Cinq inspecteurs généraux sont allés à leur rencontre :
8 avril 2013, par
L’orientation, dans toutes ses composantes, a fait l’objet ces dernières semaines d’un match de ping-pong entre les écritures successives des projets de lois sur la Refondation et sur la Décentralisation, pour échapper en fin de compte à l’une et à l’autre.
Les échos de notre dernière journée d’étude ont suscité l’intérêt des inspecteurs généraux de l’IGAS, de l’IGEN et de l’IGAENR qui ont souhaité nous rencontrer.
Leur rapport, très dense et très documenté, a été rendu public début avril 2013 ; il remet en jeu l’orientation, ses enjeux, ses services et ses acteurs.
Nous soulignerons les aspects qui nous tiennent à cœur :
Des missions nationales
En référence au rapport de la concertation (« L’orientation des élèves est une mission essentielle de l’École ») et en reprenant les observations du rapport « Denquin » de 2005, le rapport préconise :
« Un pilotage national mieux structuré »
« À l’éducation nationale, les services d’information et d’orientation se situent à l’interface d’une mission d’accueil, d’information et de conseil des publics scolaires et d’une fonction régalienne d’appui aux politiques pédagogiques et d’affectation des élèves. »
« Les COP et, plus largement, les CIO participent clairement de la mission régalienne d’éducation nationale : conseil avant choix d’affectation/gestion du parcours des élèves, du collège au lycée et vers l’enseignement supérieur. Ils font normalement partie de la chaîne hiérarchique qui relaie les instructions académiques sur l’orientation des élèves, et ces compétences ne sauraient être transférées aux régions. La décision d’inscription dans une formation se passe entre les élèves, les parents, les établissements de formation, et finalement l’autorité académique. »
L’O c’est la vie
Plus précisément, « l’orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie » n’est pas une vue de l’esprit, mais déjà une réalité au travers des parcours de formation générale puis professionnelle sous statut scolaire ou apprenti ou stagiaire ou salarié ou demandeur d’emploi, ainsi qu’au travers de l’éducation à l’orientation, des bilans de compétences, des conseils en amont de la validation des acquis de l’expérience (VAE), et à la succession de ces diverses situations alternant avec les périodes d’emploi.
La continuité qui commençait à s’instaurer entre orientation et formation doit être non seulement préservée, mais inculquée dès l’école pour ne pas perpétuer la réticence des adultes les plus en difficulté à tirer profit de la formation continuée.
Or, dans l’état actuel, ce principe est écartelé dans les deux axes entre orientation et formation, et entre orientation scolaire et orientation professionnelle !
Le rapport renoue ce lien :
« Il conviendra de prévoir que la région élabore, dans la concertation (au sein du CCREFP élargi à l’orientation : CCREOFP), un « schéma régional de l’orientation tout au long de la vie ». Ce schéma régional de l’orientation devra être cohérent avec les objectifs du CRPDOFP. Les têtes de réseau (URML, directions diocésaines de l’enseignement catholique) et les principaux opérateurs (universités, Pôle emploi, OPACIF, le cas échéant les GIP régionaux regroupant CIO et DRONISEP) devront être associés aux travaux préparatoires, sans pour autant devenir membres de droit du CCREOFP. »
« S’orienter vers »
« Du point de la vue de la personne, la notion d’orientation est employée tantôt de manière active (s’orienter, aider à s’orienter) tantôt de façon passive (être orienté). Cette polysémie est source d’incompréhension, voire de rejet de la part de publics en difficulté ; elle amène en retour à contourner un terme d’orientation devenu stigmatisant »
« Recommandation 3 : À l’occasion de la décentralisation aux régions du chef de filat du service public de l’orientation, confirmer le sens à donner aux services en orientation scolaire et professionnelle, dans une logique de développement de la capacité des personnes à s’orienter et non dans une logique prescriptive qui nierait la capacité des personnes à faire des choix. »
Un statut pour des CIO en état de remplir leurs missions
L’objectif semblait jusqu’à présent de se départir des CIO, voire de les faire disparaître, et le contre-objectif, illusoire si on se place dans l’évolution du contexte, de les maintenir sous la forme archaïque de « service extérieur de l’Etat » ; le rapport propose trois scénarios pour remettre les CIO en état de fonctionner, mais on peut en envisager d’autres ; en tout état de cause, l’ANDCIO refuse le statu quo, le rapport aussi :
« 3.3.1. Les CIO : l’opportunité d’un nouveau départ ?
Le statu quo n’est plus possible : le constat opéré en 2005 par le rapport de l’IGAENR et de l’IGEN sur le fonctionnement des services d’information et d’orientation, de la déficience du pilotage national et, en partie, académique, du réseau des CIO, ajouté au désengagement en cours des départements qui jusqu’à présent assuraient le fonctionnement de la moitié des CIO, oblige à clarifier leurs missions et leurs conditions d’exercice dans le cadre qui se dessine du rôle accru des régions en matière d’orientation, de formation et d’emploi. »
« Plusieurs scénarios de décentralisation partielle du réseau des CIO sont envisageables, qu’il faudra accompagner d’une réforme de la gouvernance.
1) Transfert logistique : les régions se voient transférer les locaux et le fonctionnement des CIO. […]
2) Transfert logistique complété par le transfert des directeurs de CIO et des personnels administratifs, assurant le fonctionnement et la documentation des centres. […]
3) Même chose, scénario complété par un transfert partiel des emplois de COP […]
Proposition complémentaire :
« Prévoir la création de GIP État (recteur) – région pour l’orientation des publics scolaires, regroupant les centres d’information et d’orientation et les délégations régionales de l’office national d’information sur les enseignements et les professionnels. »
Un statut pour les DCIO
L’ANDCIO a toujours défendu la spécificité du « métier » de directeur de CIO, et a établi un référentiel qui a d’ailleurs été annexé dans le rapport.
« Revoir le statut des directeurs de CIO pour tenir compte des missions exercées
Qu’ils restent à l’État ou qu’ils soient transférés aux régions, les missions des directeurs de CIO sont trop différentes de celles des COP pour justifier le statu quo. Certains revendiquent un statut d’emploi, à la tête d’établissements publics. La trop petite taille de très nombreux CIO ne le permet pas, et une rationalisation du réseau en 250/300 structures prendra du temps.
Dans le cas du maintien dans la fonction publique de l’État, le plus simple serait de les rattacher au statut du corps des personnels de direction, en créant une filière de recrutement avec des épreuves spécifiques, correspondant effectivement aux missions et aux compétences attendues.
Cette réforme statutaire aurait plusieurs avantages collatéraux : rendre au grade de débouché son vrai rôle de promotion interne pour les COP, sans les obliger à changer de métier et de lieu d’exercice, et permettre un recrutement diversifié des directeurs de CIO, qui pourraient accueillir des personnels d’éducation, de direction, des enseignants intéressés, et plus généralement des fonctionnaires d’expérience. »
Rappel à propos des conditions pour remplir les fonctions de DCIO :
Dans la continuité depuis les décrets du 21 février 1939 : « le directeur et les conseillers doivent justifier soit du diplôme de l’INOP, soit d’un doctorat en médecine complété par un stage à l’INOP », l’article 17 du Décret du 23 août 2011 modifiant le décret du 20 mars 1991 relatif au statut particulier des directeurs de centre d’information et d’orientation et conseillers d’orientation-psychologues précise :
« Art. 17. - Pour l’application de l’article 13 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, les candidats au détachement dans le corps des directeurs de centre d’information et d’orientation et conseillers d’orientation-psychologues doivent justifier de l’un des titres ou diplômes requis pour la nomination des lauréats du concours externe.[…] »
Labellisation ? Qualité ?
Si la labellisation a été traitée avec humour sur notre site, la démarche qualité a été considérée avec le plus grand sérieux par l’ANDCIO qui lui a consacré un dossier complet dès avril 2010 dans notre courrier aux adhérents, après la parution de la Résolution du Conseil de l’Union européenne sur « Mieux inclure l’orientation tout au long de la vie dans les stratégies d’éducation et de formation tout au long de la vie » du 21 novembre 2008 et la promulgation de la LOI du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
L’ANDCIO, après consultation de ses adhérents, a préconisé la participation des CIO au SPO, la labellisation n’en étant qu’un aspect superficiel, non pas pour toutes les raisons que certains cultivateurs d’opposition lui ont prêté, mais pour répondre à la question : « Quand commence la vie ? » (dans le contexte d’orientation tout au long de la vie) et pour donner une « visibilité institutionnelle » aux CIO sans laquelle les développements sur les CIO n’auraient pas occupé une si grande part dans le rapport.
Et le rapport est plutôt sévère sur les SPO en général, les DIO (délégués interministériels à l’orientation, puis délégué à l’information et à l’orientation) et la labellisation :
« La définition détaillée du contenu du service public de l’orientation et des règles d’organisation au niveau législatif a contribué à la confusion. La segmentation des niveaux de services n’a pas été clairement posée. La réduction du SPO à deux premiers niveaux de services, sans englober les services spécialisés en orientation scolaire et professionnelle déployés par les différents réseaux d’opérateurs, n’était guère cohérente avec la portée globale du droit individuel à l’orientation. Dès lors, la notion de SPO s’est traduite par une logique de service universel limité à une prestation de base. »
« Le SPO a ainsi été conçu par le législateur comme s’il s’agissait d’une mission nouvelle, sans prendre en compte le droit existant. De plus, il a été structuré par une procédure de labellisation au niveau local : celle-ci ne portait pas seulement, comme c’est généralement l’objet de démarches de ce type, sur la qualité des prestations fournies par les organismes ou services, mais sur le principe même de leur appartenance au SPO, dans une logique d’inclusion/exclusion – reproduisant d’ailleurs une pratique d’orientation par la sélection ou par l’échec… Dans un tel schéma, pour un organisme ou un service local donné, la procédure de labellisation débouchait inévitablement sur une issue binaire :
– l’absence de labellisation conduisait à délégitimer l’organisme ou le service concerné, sans pour autant le priver de ses attributions propres, le cas échéant légales ; cela ne pouvait qu’être source d’incompréhension pour les usagers et les professionnels ;
– la labellisation induisait une différenciation de l’offre de service pour les organismes ou services labellisés. La loi du 24 novembre 2009 demande en effet aux réseaux d’opérateurs d’assurer des missions d’information et de conseil personnalisé dans le cadre de structures polyvalentes au sein du SPO labellisé, à côté de leurs missions propres, comme l’indiquait le rapport Guégot (décembre 2009) accompagnant l’adoption de la loi3. De plus, la notion de lieu unique, supposant en principe le regroupement physique des organismes, services ou professionnels de l’orientation, sur des sites territoriaux, s’est avérée comme on le verra impossible à mettre en œuvre rapidement, amenant les textes d’application à accepter une logique de mise en réseau. »
« Redéfinir le service public de l’orientation à partir des institutions auxquelles le législateur a conféré des missions entrant dans le champ de l’accueil, de l’information, du conseil et de l’accompagnement en orientation scolaire ou professionnelle. Mettre fin à la logique actuelle de labellisation d’organismes ou de services territoriaux pour déterminer la participation à ce service public. Pour l’avenir, inscrire les démarches éventuelles de labellisation dans une perspective d’amélioration de la qualité. »
« Le cahier des charges du label était complet, exigeant, cohérent avec la définition du SPO, il définissait un niveau très ambitieux de qualité des prestations, qui aurait supposé un travail de fond considérable de l’ensemble des organismes volontaire pour s’y préparer, et un investissement non moins important d’évaluation des dossiers par les services de l’État. Cela supposait aussi pour créer cette dynamique, une très grande adhésion des acteurs de l’orientation à la politique ainsi engagée ainsi qu’un temps de construction des diagnostics, des projets et des partenariats.
Or, la remise en cause d’emblée de la qualité du service effectué par les opérateurs chargés d’une mission légale, (CIO, missions locales, Pôle emploi), qui aurait pu être admise si elle avait été présentée comme une démarche de qualité et non comme la condition de l’appartenance au SPO, a heurté nombre d’acteurs et suscité méfiance ou hostilité, au lieu de susciter l’adhésion nécessaire. Pour mémoire, les trois réseaux précités, disposant d’une compétence légale avaient revendiqué d’être labellisés de plein droit, et à défaut de l’avoir obtenue, certains membres de ces réseaux ont pu choisir de ne pas se mobiliser. »
« Recommandation 2 : Redéfinir le service public de l’orientation à partir des institutions auxquelles le législateur a conféré des missions entrant dans le champ de l’accueil, de l’information, du conseil et de l’accompagnement en orientation scolaire ou professionnelle. Mettre fin à la logique actuelle de labellisation d’organismes ou de services territoriaux pour déterminer la participation à ce service public. Pour l’avenir, inscrire les démarches éventuelles de labellisation dans une perspective d’amélioration de la qualité. »
Entre la remise du rapport sur la concertation et les projets de lois sur la refondation de l’école et la décentralisation, il y a eu des pertes de substance.
Vers les « échos de la journée d’étude 2012 »
et les trois textes ayant servi de support aux interventions du CA en séance.
Le référentiel du métier de Directeur de CIO, annexé au rapport a été actualisé en janvier 2013
Pour une démarche qualité en orientation, les CIO sont déjà dans la course ; téléchargez le dossier consacré à ce thème par l’ANDCIO.
La labellisation, clou de l’été 2010, en aura été une péripétie
La page titre du rapport, ses auteurs :