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Synthèse des propositions de l’A.N.D.C.I.O.

Pour un avenir des services d’orientation

2 mars 2012


Le texte présenté constitue l’état de la réflexion menée par l’ANDCIO pour que se construise réellement le droit au conseil en orientation défini par la loi.

Cette construction, nous l’abordons en tant que spécialistes. Mais des spécialistes en prise avec les besoins de la population et se donnant pour critère de cette construction celui du service à lui rendre.

C’est ce service aux usagers qui commande la pertinence de la définition des missions à conduire.
Nous nous intéressons ici à l’approche de l’accompagnement en orientation par le couplage d’approches philosophiques, techniques et institutionnelles. Nous en faisons l’essai pour répondre à la complexité de la question. Cela nous amène autant que possible à proposer aux décideurs des solutions concrètes d’organisation.

 I - Valeurs

Le droit au conseil en orientation est inscrit dans la loi. Il constitue la mission principale des CIO. Le conseil en orientation assuré par les CIO est centré sur la personne, les besoins qu’elle exprime et l’espace de liberté dans lequel elle organise les contraintes existantes.
Le conseil en orientation est ancré dans le champ des valeurs humanistes. Il est une aide à la construction de la relation à soi, à l’autre, aux groupes et aux cultures (l’ordre du socio-économique étant une dimension de l’organisation sociale).
Le conseil en orientation se construit de manière neutre et indépendante par rapport aux enjeux dont sont porteurs les différents acteurs politiques, sociaux et économiques.
Le conseil en orientation relève d’une réflexion éthique continue au service du développement des personnes, du renforcement de leurs libertés, de la valorisation de leurs diversités et de leurs solidarités.

Le droit à l’information sur les enseignements, sur l’obtention d’une qualification professionnelle, sur les professions et sur les débouchés et perspectives professionnelles est également inscrit dans la loi. Les CIO participent activement à la conception et à la mise en œuvre des modalités de ce droit à l’information qui est l’un des fondements du droit au conseil en orientation.

Sa réalisation requiert l’existence de sources d’information plurielles, neutres, indépendantes, à la fiabilité contrôlée.

Le conseil en orientation est une notion plus large qui contribue à la réussite scolaire, tout comme celle-ci contribue aux choix d’orientation. L’important est avant tout de favoriser la pertinence des choix de formation que devra faire l’individu, pour lui-même, mais également pour entrer et évoluer dans sa carrière professionnelle.

Le droit au conseil en orientation et le droit à l’information font corps avec le droit à l’éducation tout au long de la vie.
Leur organisation relève des missions d’un service public diversifié et accessible à tous.

 II - Éclairer le concept d’orientation.

« S’orienter vers  » : un cadre d’action pour les CIO

1)Une approche de la question

Deux perspectives sont constitutives de l’orientation : celle du « orienter vers », celle du « s’orienter vers ».

Toutes deux sont légitimes et se différencient de façon parfois conflictuelle. La première, ‘orienter vers’, est centrée sur la gestion des flux, la régulation des formations et l’implantation des activités, emplois et professions.

La deuxième, ‘s’orienter vers’, est celle qui fournit le cadre d’action du CIO.

Elle fait d’autant plus sens si elle peut s’appuyer sur l’acquisition d’une véritable culture sociale, professionnelle et économique, un objectif fondamental qui reste à l’ordre du jour du système éducatif, tout autant que de la formation tout au long de la vie.

Elle s’organise en deux pôles, celui de la guidance et celui du tenir conseil.

  • La guidance

Elle concerne les actions à visée générale de service destinées à tous les publics et mises en place à l’initiative d’institutions multiples (l’État et ses échelons déconcentrés et services extérieurs, rectorats, inspections académiques, CIO, ses établissements publics, collèges, lycées, universités ; les collectivités territoriales, régions, départements et communes ; les partenaires sociaux et associations à but non lucratif, à visée d’éducation, d’orientation et d’insertion ; les autres administrations et composantes de services publics ou en charge de missions de service public…).

La guidance intègre pleinement la problématique de la diffusion et de l’appropriation de l’information.

Elle comprend un ensemble d’actions diversifiées au nombre desquelles on citera à titre d’exemple : l’utilisation des systèmes d’information papier, multimédia, internet et leur gestion efficace et raisonnée, la conception de séances d’information, l’organisation de salons forums et opérations diverses, de stages en entreprise, la mise en place d’options spécifiques (découverte professionnelle), l’utilisation des programmes européens, la capacité de mobilisation des aides financières accordées à des cursus particuliers, la conception de programmes spécifiques (diversification des choix d’orientation des filles et des garçons, valorisation de la diversité des champs d’activité professionnels, industriels aussi bien que tertiaires et primaires…), la conception de séquences d’éducation à l’orientation et plus généralement d’approches développementales et formatives de l’orientation…

Elle comprend également une partie des actions de conseil lorsque les conseils sont conçus comme des avis, des pronostics, sans portée décisionnelle, émis sur les projets des personnes ou visant à constituer ces projets.

La guidance en orientation a enfin une vocation générale de formation et d’éducation. Toutes les personnes peuvent bénéficier des ressources mises en place dans son cadre, selon les cas de façon facultative ou obligatoire.

  • Le conseil

Si toutes les personnes ont vocation à bénéficier des ressources mises en place dans le cadre de la guidance, il n’en va pas de même pour le conseil proprement dit.

Le conseil, au sens de ‘tenir conseil avec’ est l’autre dimension fondamentale du ‘s’orienter vers’ et c’est bien cette définition du conseil que l’ANDCIO retient.

Pour le différencier clairement de la perspective qu’il a dans la guidance (avis, expertise, pronostic sur les projets des personnes), on lui accolera systématiquement le terme de counseling (ou counselling), par quoi il est désigné sans ambigüité dans ses appellations européennes et mondiales habituelles.

Les personnes s’engagent dans ce processus fondamental du conseil/counseling de plusieurs façons. Pour l’essentiel, elles font appel à leur environnement, souvent proche, famille, amis, relations, et à leur propre réflexivité, tenir conseil avec soi-même.

Quand ces ressources sont insuffisantes, elles peuvent aussi recourir à des professionnels de l’aide en orientation. Cela fait du conseil/counseling professionnel une ressource de deuxième niveau.

2)Une organisation liée à l’articulation de la guidance et du conseil

La guidance en orientation constitue un champ d’intervention naturellement partagé entre institutions et personnels différents. Les compétences attendues nécessitent la collaboration de nombreux personnels : conseillers d’orientation-psychologues, enseignants, documentalistes, techniciens multimédias, ingénieurs pour l’école, professionnels et parents, toute personne mobilisée en tant que de besoins sur la question éducative en orientation… Elles sont donc très diversifiées.

S’agissant du conseil en orientation/counseling de carrière, ces compétences, construites en formation et/ou reconnues par validation des acquis de l’expérience, sont sanctionnées par un diplôme dans le cadre d’une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau, spécifique du conseil en orientation. Dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur et, au-delà, dans toutes les composantes de service public ayant en charge la formation initiale des jeunes (enseignement agricole, systèmes de formation de la santé, de la culture, de la jeunesse et des sports…) la conception, la mise en œuvre et l’exercice de ces compétences spécifiques sont assurés par les conseillers d’orientation-psychologues qui ont une formation et un diplôme leur permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue.

Les zones de recouvrement des compétences de différents personnels peuvent parfois être importantes. Les entretiens personnalisés d’orientation, qui peuvent être conduits par des enseignants ne sont pas des entretiens d’orientation approfondis qui sont, eux, assurés par les conseillers d’orientation-psychologues. Ceci illustre clairement le partage qui s’effectue entre guidance d’une part et conseil au sens de tenir conseil avec/counseling d’autre part.

3)L’organisation du réseau des Centres d’information et d’orientation

Les Centres d’Information et d’Orientation ont vocation à impulser, coordonner, évaluer sur le terrain les différentes démarches entreprises dans le domaine de la guidance.

Leur compétence et leur histoire les amène à constituer une ressource incontournable en matière d’ingénierie éducative pour l’orientation, sur laquelle repose le conseil technique assuré aux établissements et aux équipes pédagogiques ainsi que les actions de guidance et de conseil conduites par les conseillers d’orientation psychologues eux-mêmes.

Leur proximité avec les bassins d’éducation et de formation mais également leur capacité aujourd’hui reconnue, à nouer des partenariats hors de l’éducation, leur permet d’organiser la synergie des partenaires sur le plan de la guidance.

 III - Missions

Elles sont définies nationalement et confiées à la tutelle et au pilotage du ministère de l’éducation nationale pour garantir une approche équilibrée sur l’ensemble du territoire. Elles peuvent intégrer des aspects liées aux politiques interministérielles.

Elles sont déclinées au niveau du territoire en faisant appel aux principes de déconcentration et de décentralisation : déconcentration vers les services académiques de l’éducation nationale et les services extérieurs de l’État (notamment les CIO) ; décentralisation envers les établissements publics (établissements scolaires, universités, grandes écoles et grands établissements…).

Elles font nécessairement l’objet de coordinations en interne entre les différents acteurs de l’État et en externe avec tous les acteurs concernés (associations à visée éducative, d’insertion et d’orientation, collectivités territoriales et en particulier régions, représentants et institutions du monde social, professionnel et économique…).

Consciente de l’intérêt avéré des mouvements de déconcentration et de décentralisation, dont la richesse et la créativité des initiatives de terrain sont la preuve vivante, l’ANDCIO souhaite qu’ils soient amplifiés dans une première direction, celle qui concerne les acteurs de l’État.

En particulier dans le rôle qui doit être celui des rectorats dans les rapports que les lycées et les établissements d’enseignement supérieur ont à entretenir avec leurs milieux sociaux, professionnels et économiques environnants.

En particulier, aussi, dans le passage des CIO d’un statut de simples services extérieurs de l’État à un statut administratif plus décentralisé, leur conférant, dans le cadre de l’État et sous des formes juridiques appropriées, les moyens d’une autonomie et d’une responsabilité accrue.

Ces formes juridiques (pouvant aller jusqu’à la création d’établissements publics) dépendront du ressort et de la zone de compétence dévolus à des CIO rénovés, renforcés, et articulés aux établissements et services des bassins de formation.

L’ANDCIO souhaite aussi que l’amplification de la déconcentration et de la décentralisation s’inscrive dans une deuxième direction, celle qui prend en compte l’émergence de l’orientation tout au long de la vie, le rôle croissant collectivités territoriales, l’existence d’institutions toujours plus nombreuses dans le champ de la formation, de l’orientation et de l’insertion des jeunes et des adultes.

Elle considère en particulier que les collectivités territoriales et notamment les régions responsables de la formation professionnelle ont vocation à s’intéresser au fonctionnement de l’orientation sur leur territoire.

Les compétences qu’elles pourraient y exercer devraient se modéliser sur la façon dont elles ont été réparties en matière de fonctionnement des lycées au moment des lois de décentralisation de 1983, ainsi que sur la façon dont s’envisagent désormais les relations entre les universités (et autres établissements d’enseignement supérieur de l’État) et les régions.

 IV - Publics

La structure CIO doit s’adresser à tout type de public. Dans le cadre d’une logique d’Orientation Tout au Long de la Vie, telle qu’elle a été préconisée par le traité de Lisbonne.
Les CIO auront à mettre en œuvre des collaborations avec les partenaires du champ de l’orientation (Mission locale, Maison de l’emploi, cité des métiers, points relais VAE régionaux, tout type d’acteur institutionnel ou associatif concerné par ces questions.)

Les élèves et étudiants en formation initiale constituent le public prioritaire des CIO qui conservent la légitimité et la technicité nécessaire à une intervention adaptée et concertée avec les partenaires du système éducatif.

Les compétences acquises au contact de différents publics, les sources d’information et d’action puisées dans un partenariat large, la connaissance de l’environnement économique et des métiers, la connaissance de l’évolution des modalités de recrutement et des carrières qui en découlent sont directement transférables au conseil en direction du public scolaire ou du public jeune non-scolaire.

Des publics prioritaires (notamment les personnes à besoins éducatifs définis comme spécifiques par la loi, par exemple en matière de handicap) peuvent faire l’objet d’actions spécifiques des Conseillers d’Orientation Psychologues dans le cadre des missions assignées aux CIO au plan national ou sur un plan plus local.

 V - Personnels d’orientation des CIO et des établissements scolaires – Formation et compétences

Il est nécessaire que les centres d’information et d’orientation disposent d’un champ d’action étendu les rendant capables de coordonner à la fois les actions liées à la guidance aussi bien que celles relevant du conseil (cf point II-b) qui, ensemble, sont celles qui permettent au public de maîtriser les différents aspects de la compétence à « s’orienter vers ».
Ce cadre implique de nouvelles missions pour lesquelles la mobilisation de personnels diversifiés s’impose. Le statut et la formation initiale de ces personnels peuvent clairement différer de ceux des COP.
On peut ainsi imaginer d’associer aux équipes de CIO des techniciens multimédias, des documentalistes, des chargés d’information, des ingénieurs pour l’école (ou tout autre spécialiste des relations aux entreprises).
L’adaptation aux besoins de la guidance et du conseil peut également s’effectuer par le fléchage particulier de certains postes de COP comme cela existe déjà dans le cadre de l’Université, de l’ONISEP, du SAIO, de l’Europe. Des spécialisations fonctionnelles réversibles peuvent ainsi s’envisager dans le cadre du développement de certaines compétences (bilan, handicap) et/ou de fonctions spécifiques (formation des équipes éducatives, suivi des parcours de découvertes des métiers et formations).

Le statut et la formation de psychologue des COP permettent d’envisager sans difficulté la prise en charge des activités de conseil/counseling adossées aux dispositifs de bilan, à la prise en charge de publics prioritaires dont les besoins seraient définis comme spécifiques par la loi en fonction de questions sociales telles celles du handicap, de l’inadaptation, de la protection de la jeunesse…, et à la nécessité, quand elle se fait jour, d’interventions auprès des personnes quand elles sont en situation de crise.

Parce que leur qualification s’ancre également profondément dans les composantes multiples, - de connaissance des formations, des métiers, des emplois et de leurs évolutions (initiale et continue) -, d’une formation qui doit rester pluridisciplinaire, les COP sont également qualifiés pour un exercice ordinaire des activités de conseil : aussi bien celles qui relèvent de la guidance et confinent à l’expertise, à l’avis donné sur des projets déjà existants, ou à l’éducation et à l’acquisition de compétences à s’orienter que celles qui relèvent du conseil/counseling particulièrement utiles quand les sujets sont indécis ou cherchent à mieux connaître les motivations, déterminants, intérêts, valeurs et ressorts, conscients aussi bien qu’inconscients, qui pourraient faire sens pour leurs choix.

Mais, l’ANDCIO estime que le rôle croissant dévolu aux enseignants en matière d’orientation et de conseil (renforcement du rôle des professeurs principaux, émergence de référents orientation tant en lycées qu’en enseignement supérieur, enseignement en DP3…) conduit à envisager la nécessité de former les enseignants aux divers aspects de la guidance. La guidance a été définie ci-dessus et l’on ne peut confondre cette approche avec celle des conseillers d’orientation psychologues.

Pour les enseignants en fonction, des sessions de formation continue inter-catégorielles pourraient être organisées (Professeurs, Professeurs principaux, Documentalistes, CPE…) afin de favoriser la cohérence et la continuité des actions (ex. : PDMF de la 6e aux terminales), et de donner sens pour les élèves aux activités diverses liées à l’orientation.

Pour les futurs enseignants, en complémentarité avec les aspects disciplinaires, la formation à la guidance avec une information sur le conseil et les services d’orientation (CIO, ONISEP) pourrait être en partie commune avec celle des conseillers d’orientation-psychologues dans le cadre de leur formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau.

L’acquisition de cette compétence conduirait tout naturellement à la possibilité d’agir à tout niveau de l’enseignement secondaire pour mettre en œuvre les dispositifs de découverte des métiers et des formations, animer des activités de guidance, et jouer avec efficacité leur rôle s’ils sont appelés à être professeur principal.

Cette compétence pourrait être élevée au rang de certification par validation d’un ensemble d’ECTS regroupées en unités d’enseignement particulières de la profession enseignante, accessibles dès la formation initiale ou en formation continue.

Cette mention pourrait s’appeler GEO (guidance en orientation) par exemple. On ne peut que souligner les aspects positifs d’une telle certification : actuellement tous les enseignants doivent contribuer à l’orientation sur leurs obligations de service. L’introduction d’une compétence particulière, associée à une décharge accordée à un ou plusieurs enseignants selon la taille de l’établissement, garantirait l’efficacité des dispositifs actuels (DP3, DP6, PDMF, parcours individualisés, voire PPRE…) et pourrait dynamiser les démarches entreprises par les équipes pédagogiques.

Enfin, il est essentiel que ces enseignants soient en contact permanent avec le CIO en tant que lieu ressource, lieu d’observation, d’échanges, de réflexion, de conception d’actions afin de permettre le partage de compétence nécessaire à la cohérence des démarches sur un bassin de formation.

Par ailleurs, ce contact permanent entre les personnels spécialisés que sont les COP et les enseignants doit permettre une meilleure coordination de leurs fonctions respectives et un meilleur suivi des élèves. N’oublions pas non plus que l’existence d’ingénieurs pour l’école (assurant la liaison avec les entreprises locales) au sein des personnels des CIO comme nous le préconisons par ailleurs, permettrait de coordonner pleinement les activités de découverte des métiers nécessaires à la construction de leurs parcours par les élèves.

 VI - Territoires

La mise en place d’opérations concertées de découverte des métiers et formations rend hautement nécessaire la coordination de ces opérations, à la fois dans la relation aux entreprises mais également dans la mise en synergie des établissements de formation que ce soit à l’intérieur de l’éducation mais également avec les autres partenaires que sont l’agriculture, l’université, les chambres des métiers, les chambres de commerce et d’industrie etc…
La dimension Orientation étant nécessairement un « carrefour » où se croisent des logiques d’information, de formation et d’insertion, les CIO sont des lieux naturels de concertation appuyés sur une légitimité dans le domaine de l’éducation qui leur permet d’envisager le devenir des jeunes du début du secondaire à la formation dans le supérieur et à l’université.

Afin d’être en mesure de conduire ce travail de coordination, la taille optimale des CIO doit être repensée en respectant les logiques d’aménagement du territoire
.
Des annexes des CIO peuvent exister dans des lieux plus éloignés géographiquement pour rendre un service de proximité. Ces annexes sont gérées à partir du CIO de rattachement.

 VII - Pilotage légitimé : Réflexions pour une organisation administrative des CIO

Dans le cadre de la mise en place en Europe du concept « d’Orientation Tout au Long de la Vie » les compétences à s’orienter des personnes sont appelé à devenir un facteur fondamental des caractéristiques des économies occidentales.

L’analyse ancienne qui installait l’orientation comme périphérique ou simplement indicatrice des voies de formation et de certification qui étaient elles considérées comme première est un rapport qui a de grande chances de continuer à s’inverser dans les années à venir.
L’aptitude à construire un parcours dans sa longueur et la diversité des statuts traversés (formation initiale, apprentissage, formation continue, VAE, stagiaire, mobilité professionnelle ou géographique) devient primordiale et synonyme de sécurisation des parcours professionnels.

Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de réfléchir à une autre organisation administrative des services d’orientation qui leur permette de se situer sur l’ensemble des terrains évoqués ci-dessus :

Quelle organisation pour le réseau des CIO ? Hypothèse d’un établissement public académique.

  • 1-Opportunité d’une actualisation de notre réflexion sur le statut des centres d’information et d’orientation :

L’ANDCIO a conduit une réflexion constante sur la question complexe de l’évolution de la structure administrative et juridique des CIO. Cette réflexion a eu comme ligne directrice le souci de proposer des solutions entraînant un minimum de lourdeur administrative.
La réflexion d’André Lartigau, ancien président, avait abouti à préconiser un GIP académique pour l’orientation. Cette solution présentait de nombreux avantages, n’exigeant qu’une réforme « physiologique » plutôt qu’ « anatomique ».

Depuis une dizaine d’années, l’évolution du contexte général qui voit se développer de nombreux acteurs et dispositifs autour de la « guidance », l’importance du rôle confié aux établissements scolaires, celle que prend « l’orientation tout au long de la vie » conduisent à envisager l’hypothèse d’un Etablissement Public Académique de l’orientation avec des antennes locales.
Cette perspective d’un EPA peut être argumentée de plusieurs points de vue :

Il est raisonnable dans un premier temps, de penser que le ministère de l’éducation aura à cœur d’utiliser un établissement public, dont il maîtrise le pilotage.

Le partage de compétence nécessaire avec d’autres acteurs dans le cadre de la décentralisation, en particulier les collectivités territoriales, se conçoit certainement mieux dans le cadre d’un pilotage possible d’une structure comme cet EPA, à laquelle seraient rattachées les CIO en particulier mais qui pourrait associer bien d’autres partenaires.

Les réformes du lycée, de l’enseignement professionnel, l’ambition affichée de démocratiser l’accès aux études supérieures semblent replacer la question de l’orientation parmi les priorités que se fixe le système éducatif. Les conséquences du traité de Lisbonne conduisent à fixer des objectifs ambitieux (100%, 80%, 50%) que le système peine à traduire dans les faits. Par ailleurs les différents mouvements sociaux récents (lycéens, étudiants, banlieues…) conduisent les pouvoirs publics à tenter d’apporter des réponses aux besoins d’égalité, de justice, d’émancipation et de progrès social qui s’y exprimaient avec vigueur.

C’est l’établissement scolaire qui devient le lieu où se focalisent toutes les ambitions d’amélioration du fonctionnement de l’orientation. L’analyse désormais récurrente consiste à poser que ce sont les enseignants, acteurs principaux de l’orientation, qu’il convient d’acculturer à l’environnement socio-économique et de formation pour leur confier l’éducation à la capacité de s’orienter de leurs élèves, mais également pour peser sur les flux à travers un assouplissement des décisions d’orientation et de redoublement.

Mais, dans quel objectif ? S’il ne s’agissait que de faire entériner les mécanismes de la reproduction sociale et ses résultats, la reproduction sociale justement, par ses futurs ‘bénéficiaires’, le pari serait de peu d’ampleur. L’ambition est évidemment toute autre, si elle veut être mobilisatrice. Elle ne peut être que celle de la lutte contre toutes les discriminations, que celle de la revalorisation des valeurs, de l’épanouissement de tous, du sens collectif. Bref, cette ambition n’a de sens que si elle est celle de la justice sociale, au travers de la prise en compte des déterminismes sociaux et de la recherche de procédures visant à en limiter l’influence.

C’est donc un pari qui est ainsi posé sur le rôle décisif que pourraient avoir les enseignants pour faire évoluer la question de la reproduction sociale. Dans la lignée de leurs grands idéaux. De leurs réussites. Mais dans la lignée, aussi, de toutes les difficultés, immenses, qu’un tel pari a toujours rencontrées, abondamment illustrées par les travaux de la sociologie de l’éducation.

Ce nouveau pari, si le ministère de l’éducation nationale veut se donner des chances de le relever, avec comme objectif des avancées significatives, ne peut en aucun cas être gagné sans l’action de ces véritables inducteurs du changement qu’ont toujours été les conseillers, les directeurs, et, plus généralement, tous les personnels d’information et d’orientation, et leurs services, les CIO. C’est notre profonde conviction.

On pourra reprendre l’histoire : ils ont contribué de façon significative aux processus de démocratisation du système éducatif dans les décennies 60 et 70.

Ont-ils troqué depuis ces habits d’acteurs du changement, parfois redoutés et peu appréciés de leurs collègues enseignants, contre celui de simples « régulateurs » du système ? Sont-ils devenus, souvent, des accompagnateurs ‘compassionnels’ des victimes de la machine à reproduire et à sélectionner ? La question pourrait être posée. De même que celle relative à ce qu’aurait provoqué une certaine conception individualiste dominante de la psychologie. Mais les poser n’emporte pas les réponses, complexes.

Ce qui reste établi, c’est l’existence d’un véritable potentiel de transformation systémique dans l’histoire de cette profession. Il ne demande qu’à s’exprimer, pour autant qu’un « pilotage » de la part de son employeur, l’État, s’exprime clairement. Sous la forme, par exemple, d’une « lettre de mission », comme on dit aujourd’hui.
Une réelle synergie peut en effet être trouvée entre un État et un ministère qui ont objectivement intérêt à faire significativement évoluer les pratiques et les flux d’orientation et une profession et des services qui ne font jamais plus sens, que lorsqu’ils contribuent activement à l’émancipation et la valorisation des jeunes.

Dit autrement, il s’agit de transformer une orientation souvent couperet et marquée du sceau du redoublement en une organisation de parcours toujours cumulatifs visant à l’augmentation des niveaux de qualification des jeunes, que ces parcours soient directs ou empruntent des chemins de traverse. Il s’agit que l’orientation et la formation tout au long de la vie contribuent à l’émergence de ces futurs citoyens que le monde réclame, acteurs de leur vie professionnelle plutôt que ballotés par les crises, les mutations, les bouleversements qu’ils ne manqueront pas de rencontrer.

Dans cette optique, la question d’un pilotage fort par objectifs (% de boursiers en classe préparatoire, par exemple) justifie d’une clarification des missions, voire d’une spécialisation réversible de certains des COP, des CIO. Elle suppose également et primordialement une organisation administrative congrue, efficace.

  • 2-Mission et organisation

C’est dans ce contexte, qu’il semble pertinent de développer des Etablissements Publics Académiques couvrant les domaines de l’information, de la guidance, du counselling de l’aide à l’insertion, ainsi qu’un certain nombre de dispositifs du champ de l’orientation tout au long de la vie.
La mission générale qui leur serait confiée serait d’assurer, en responsabilité la réalisation d’objectifs académiques déclinés sur les territoires pertinents (bassin de formation). Une exigence de validité scientifique doit également être au cœur de ces structures, tant le domaine de l’orientation prête à confusions et polémiques.
La mission de ces EPA se déclinerait :

  •  dans le domaine de l’organisation de dispositifs de guidance, d’éducation aux choix (PDMF, Orientation active…) en assurant conseil, collaboration avec les chefs d’établissements qui partageraient les mêmes objectifs.
  •  dans le domaine de la gestion de l’orientation et de l’affectation des élèves, à travers l’adaptation des applications nationale aux besoins et objectifs académiques.
  •  dans le domaine du conseil aux décideurs, recteur, inspecteurs d’académie DSDEN en leur fournissant notamment les outils de pilotage statistiques pertinents
  •  dans le domaine du conseil individualisé ou counselling (tenir conseil spécifique à des professionnels formés à un haut niveau, qui devrait être le fait de conseillers d’orientation psychologues dans l’Ecole)
  •  dans le domaine de la diffusion d’informations neutres, pertinentes et adaptées aux besoins des différents acteurs, professionnels , parents, élèves, étudiants…
  •  dans le domaine de l’aide à l’insertion, notamment pour les publics fragiles.
  •  dans le domaine du bilan, de la validation des acquis, dans le cadre de l’orientation tout au long de la vie.
  •  dans tout autre secteur connexe qui serait jugé pertinent par les décideurs : par exemple l’accueil des ENAF, le développement de l’égalité des chances filles-garçon, de la mixité sociale, de l’orientation vers l’enseignement scientifique et technologique…pour ne parler que des plus banals.

Dans ce contexte, les CIO, qui n’éviteraient pas un processus de réorganisation géographique important en fonction d’une organisation territoriale fondée sur le territoire du bassin de formation pour assurer la proximité avec les usagers, territoire qui pourrait être revu et amélioré à cette occasion, constitueraient l’une des composantes dominantes de cet établissement public.

Des personnels enseignants pourraient être rattachés à ces EPA pour tout ou partie de leur service pour assumer des interventions spécifiques dans les établissements (formation d’enseignants, animation et supervision de dispositifs tels que la découverte professionnelles 3H, l’orientation active…)
D’autres acteurs, tels les Ingénieurs pour l’Ecole spécialiste de la relation école entreprise, ou des conseillers de l’enseignement technologiques pourraient également rejoindre ce type d’établissement.
L’EPA constituerait un outil prometteur pour mettre en synergie un grand nombre des interventions qui donnent actuellement une impression de désordre et manquent de lisibilité.
Il pourrait réunir les actuels CIO, annexes, le SAIO et, en fonction des organisations académiques la Mission Générale d’Insertion, les centres de bilan, la validation des acquis de l’expérience, la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers, la scolarisation des ENAF. Son pilotage serait conforme au fonctionnent usuel des établissements publics avec un conseil d’administration, sous la présidence du recteur.

  • 3- Avantages et inconvénients

Un tel EPA offrirait de nombreux avantages :

  •  Une meilleure visibilité et lisibilité tant au sein de l’institution scolaire que vis-à-vis des nombreux partenaires.
  •  L’occasion de mettre en cohérence, en synergie différents dispositifs, services, missions qui interviennent sur des champs connexes, voire partagés.
  •  Une véritable capacité à contracter avec les collectivités territoriales, les entreprises et fédérations professionnelles, d’autres administrations (pôle emploi, DRDFE,…) divers organismes tels les CFA, les centres permanents de validation des acquis de l’expérience…
  •  Un pilotage facilité.

Ils seraient cependant susceptibles de présenter un certain nombre d’inconvénients :

  •  Risque de centralisation excessive, compliquant le fonctionnement et la réactivité locale.
  •  Risque de rupture d’équilibre entre établissement central et annexes, au profit de l’établissement central.

Pour limiter les risques l’organisation de cet EPL Académique pourrait prévoir dans ses statuts de garantir une importante autonomie à ses annexes, les CIO notamment, tant au niveau du pilotage que de la gestion, avec la possibilité de doter l’annexe d’une régie d’avance et de recettes de délégation de signatures aux directeurs de CIO. Une instance consultative (de type conseil de centre) gagnerait à exister au sein des futurs CIO. Dans ce cadre, la question du statut du directeur se poserait avec la même acuité : seul un véritable statut de personnel de direction mettrait le directeur de CIO en mesure de relayer le pilotage et les missions spécifiques qui lui auraient été confiées.

  • 4- Conclusions

Ce qui importe, n’est pas tant un tel Établissement Public en lui-même que le sens accordé par cette organisation administrative au rôle social des CIO et au-delà des centres, l’enjeu majeur que l’ Ecole et la société toute entière sont prêtes à accorder à la capacité à s’orienter en se reposant sur des professionnels de l’orientation dont les compétences ne demandent qu’à s’exprimer au bénéfice d’une évolution progressiste de l’ Ecole.

 VIII - Statut du directeur

Un véritable statut du directeur(trice) de CIO constitue un outil indispensable pour permettre à la structure d’assumer au plan local, la coordination de l’ensemble des dispositifs, partenariats et conventionnements nécessaires à la coordination d’opérations complexes.

  • 1) Les dispositifs propres à la formation initiale dans le cadre des parcours de découverte des métiers et des formations conduisent à provoquer des déplacements d’élèves de plus en plus nombreux, qu’il faudra prévoir, organiser et réguler en fonction des nécessités de fonctionnement des établissements engagés dans ces processus. Les chefs d’établissements déjà impliqués dans la mobilisation des élèves et l’organisation dans leur établissement, pourront trouver à l’échelle du bassin un lieu de mise en relation dans l’existence des centres d’informations et d’orientation.
    Cette régulation trouve une place naturelle au sein des bassins, mais ces activités, qui sont d’ores et déjà coordonnées par des directeurs(trices) de CIO dans certaines académies, trouvent généralement leur pleine expression lorsque la prise en charge du dossier est effectivement confiée à des personnes es-qualité.

De telles opérations nécessitent l’expertise spécifique des professionnels de l’orientation faute de quoi, on risque de constater des effets inverses à ceux que l’on recherche.

  • 2) Les dispositifs impliquant des partenaires extérieurs à la formation initiale, concerneront bien entendu le champ extrêmement vaste de la découverte des métiers et donc de l’organisation de la relation aux entreprises mobilisables localement.
    Si les lycées professionnels et certains lycées technologiques ont une longue pratique des relations aux entreprises pour lesquelles ils s’appuient souvent sur leurs chefs de travaux, il n’en va pas de même pour les collèges et les lycées généraux.
    L’existence ou non de ces relations entraîne d’ailleurs une source d’inégalité de traitement des besoins de découvertes des élèves.
    Les questions logistiques et pédagogiques revêtent ici une très grande importance : Tel collège, tel lycée isolé ne peut avoir facilement accès aux ressources mobilisables dans un environnement plus riche. Là encore, des effets inattendus de survalorisation de certains secteurs professionnels naissent du simple défaut de coordination des démarches entreprises.

Les centres d’information et d’orientation doivent être en capacité sur un territoire donné de proposer des démarches de guidance riches grâce à un partenariat mobilisé et préparé, donnant priorité à la dimension pédagogique de ces opérations.

  • 3) Une ingénierie complexe

Ces deux exemples illustrent le niveau de technicité et de responsabilité que nous souhaitons voir défini pour des directeurs et directrices de CIO, disposant d’une véritable expertise à la fois pédagogique et organisationnelle sur l’ensemble de ces questions.
Le recrutement de directeur(trice) sur ces bases, doit s’opérer avec un véritable profil d’emploi, correspondant à un référentiel de métier précis, différent de celui des COP appelé toutefois à fournir le vivier principal de cette fonction.
C’est bien sur l’ensemble de ces éléments, que nous fondons la nécessité d’un statut clair des directeurs(trices) de CIO.

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Synthèse des positions

Version au 22-02-2010


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